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Le mouvement Wikimédia/Les partenariats externes

Un livre de Wikilivres.

Après avoir présenté l’organisation du mouvement au niveau de la Fondation et de ses affiliés, voici venu le moment de parler des nombreux partenariats établis entre le mouvement et des entités externes à ce dernier. On peut tout d’abord parler des membres du mouvement Wikimédia employés dans les galeries, bibliothèques, archives et musées ou dans le domaine de l’éducation, en tant que wikimédiens ou wikimédiennes en résidence. Ce sont là des personnes expérimentées dans l’usage des projets Wikimédia qui ont pour principale fonction d’apporter leur expertise dans le partage d’informations ou la diffusion de documents en lien avec le savoir et le patrimoine[1]. Dans le monde et En 2019, 170 postes de ce type étaient répartis dans le monde, avec des contrats qui pouvaient varier entre quelques heures par semaine à plusieurs mois sur l’année[2].

Figure 31. Signature d’un contrat de partenariat entre Wikimédia France et le musée de Cluny en mars 2012.

Bien avant qu’apparaissent ces programmes de résidences, d’autres partenariats avaient déjà été établis avec des institutions impliquées dans le développement du logiciel libre. Le premier de ces partenariats date de 2005, lorsque la distribution Linux KDE intégra du contenu de Wikipédia au niveau de ses applications[3]. Suite à quoi, ce sont de nombreux autres partenariats qui se succédèrent dans le cadre d’échanges de services, comme ce fut le cas avec le projet OpenStreetMap[4], un projet de cartographie du monde collaborative et sous licence libre, la free software foundation et Creative Commons[5] présentés en première partie d’ouvrage, ainsi que l’Open Knowledge Foundation, ou encore WikiToLearn dont les missions sont très proches de celle du mouvement Wikimédia.

Des conventions sont ensuite établies avec des organismes de plus en plus variés et parfois par l’intermédiaire d’associations affiliées au mouvement et non plus via la Fondation. Ce fut le cas par exemple de l’association Wikimédia France qui établit un partenariat avec le musée de Cluny situé à Paris, ou encore avec les Archives du département français de l’Hérault, afin d’enrichir la médiathèque Wikimedia Commons et les articles Wikipédia avec les fonds d’archives[6].

Au-delà de la francophonie, il y eut aussi le partenariat Noongarpedia[7] établi avec le conseil australien de la recherche dans le but d’ajouter du contenu en langue Noongar dans les projets Wikimédia, tout en cherchant à ajouter des informations concernant ce peuple australien dans les différents projets et versions linguistiques du mouvement. Pendant qu’en Suède cette fois, un autre partenariat du genre fut établi entre l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation la science et la culture (Unesco) et l’association Cultural Heritage Without Borders, dans l’optique de mettre sous licence libre des informations traitant de certaines formes d’héritages culturels en péril[8].

À cela, on peut encore ajouter des accords établis en 2019 avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme dans le but d’améliorer la qualité et la quantité du contenu relatif aux droits de l’homme sur Wikipédia[9]. Ou encore ceux établis en 2020 avec l’Organisation mondiale de la Santé, dans le but d’offrir aux projets Wikimédia un accès gratuit à toute une série d’informations concernant la pandémie Covid-19, associé d’une mise à jour automatique[10].

On peut ensuite aussi parler de la Fondation Wiki Education, une spin-off de la Fondation Wikimédia qui a pour mission de faire le trait d’union entre les projets Wikimédia et le monde universitaire aux États-Unis et au Canada[11], ainsi que le laboratoire CivilServant’s Wikimedia studies qui travaille sur l’amélioration de la rétention des nouveaux éditeurs et nouvelles éditrices, tout en cherchant à améliorer l’expérience et la motivation des personnes les plus expérimentées[12].

Vidéo 3. Interview de Sandrine, professeure-documentaliste active avec ses élèves sur les projets Wikimédia[13].

Ensuite, il reste encore à citer les autres projets liés à l’éducation dont nombreux sont décrits sur le site Wikimedia Outreach[14]. On y retrouve de nombreux échanges entre le mouvement Wikimédia et le milieu de l’enseignement. Que ce soit lors de collaborations officielles, ou d’initiatives informelles en provenance d’enseignants actifs dans les écoles ou universités, il arrive en effet fréquemment que des étudiants soient invités à utiliser et même éditer les projets Wikimédia. Parmi ces activités d’étudiants, se trouvent des travaux personnels encadrés, des projets personnalisés de scolarisation ou encore des plans d’accompagnements personnalisés[15], qui sont parfois organisés sur plusieurs projets Wikimédia simultanément[16].

Comme exemples, il y a les cours au format MOOC[17] du Centre National d’Enseignement à Distance réalisés sur Wikiversité, ainsi qu’un projet de valorisation de ses connaissances sur Wikipédia orchestré par une l’université Paris Ouest Nanterre[18], ou encore plusieurs travaux pratiques encadrés organisé dans Wikilivres [19]. Sans compter que dans Wikipédia, et souvent sans que cela ne se remarque, de nombreux étudiants améliorent ou créent des articles à la demande de leur professeur.

Puis, au-delà des partenariats établis avec des organismes d’intérêt public, il existe enfin des collaborations avec des entreprises commerciales. Cela peut s’établir soit dans le cadre d’un support technique, soit par une aide financière ou l’apport gratuit de nouveau contenu au bénéfice des projets Wikimédia.

Au niveau technique, un des premiers partenariats du genre apparut en 2005, lors d’un accord très médiatisé entre la Fondation Wikimédia et l’entreprise Yahoo[20] qui accepta de prendre en charge l’hébergement du contenu des projets Wikimédia diffusés en Asie[21]. Google avait précédemment proposé ses services pour ce type d’hébergement, mais la proposition était restée sans suite[22]. Ce qui n’empêcha pas l’entreprise de garder de bons contacts avec la Fondation, puisqu’en 2010, elle lui fit un don de deux millions de dollars américain[23][24].

Ce genre de dons est évidemment très apprécié par le mouvement. D’ailleurs, certains géants du Web, qui exploitent eux aussi le contenu des projets Wikimédia dans le cadre de leurs activités commerciale sans offrir de réelle compensation, sont parfois montrés du doigt par la Fondation[25]. Ce qui n’est pas le cas de Google qui fait office de bon élève, en apportant d’autres soutiens techniques et financier au mouvement. Ce fut encore le cas en 2018, dans le cadre du projet Tiger[26], un projet gagnant-gagnant dont le but est de développer des langues minoritaires indiennes au niveau des projets Wikimédia[27], ou encore en 2019, lorsque Google Translate fut utilisé pour la traduction de contenu en langues locales[27].

Les aides financières en provenance des grandes compagnies sont toutefois plafonnées, de telle sorte à ce qu’elles restent négligeables comparées aux millions de dons individuels, d’un montant moyen de 15 dollars, récoltés chaque année par la Fondation. Cela a pour objectif de garantir la liberté de gestion du mouvement, sans pour autant priver la Fondation d’une marge d’exploitation qualifiée en 2017 de « très enviable » par le journal Quartz[28]. La quantité importante de dons récoltés chaque année depuis 2007, a en effet permis la création d’une réserve budgétaire évaluée à plus de 166 millions de dollars en 2020[29].

Cela étant dit, il peut arriver qu’un partenariat soit à l’origine d’une polémique. Ce fut le cas en 2009 par exemple, lorsque la firme Orange fut autorisée à diffuser le contenu des projets Wikimédia sur certains de ses portails web et mobile[30]. Car lorsque que la présence d’encarts publicitaires fut constaté sur les pages de rediffusion du contenu Wikimédia, cela fut très mal perçu par la communauté des éditeurs bénévoles qui manifestèrent leur mécontentement[31].

Cependant, quatre ans plus tard et sans que cela ne suscite aucun commentaire, la Fondation établit un partenariat avec la société commerciale Coinbase, dans le but de faciliter le traitement des dons offerts en bitcoins[32]. Tout semble donc indiquer que la collaboration avec des entreprises à buts lucratifs, alors que le mouvement ne l’est pas, ne pose pas de problème, pas plus que l’optimisation les gains de la Fondation par diverses manières. Seul l’usage de publicités en lien avec la diffusion des contenus Wikimédia semble être une chose intolérable pour les bénévoles qui les produisent.

Même la revente d’un support reprenant du contenu des projets Wikimédia ne pose pas de problème en soi. Et c’est d’ailleurs dans ce contexte que la société commerciale allemande Pediapress fut autorisée à vendre des livres qui contiennent des compilations d’articles en provenance des projets Wikimédia[33]. Toujours à ce jour, il est effectivement possible, en utilisant son navigateur et les hyperliens présents dans les projets Wikimédia, de se rendre sur le site web de l’entreprise pour commander un livre de son choix. En contrepartie de quoi, 10 % des bénéfices liés à la vente de ces ouvrages sont reversés à la Fondation[34].

Le Dico[35] est un autre exemple de publication commerciale d’un contenu en provenance des projets Wikimédia. Ce dictionnaire au format papier, publié par les Éditions Garnier Frères, fut en effet imprimé suite à un partenariat établit entre la maison d’édition, l’association Wikimédia France et le projet Wiktionnaire en français, qui permit l’impression et la diffusion d’un ouvrage reprenant les 40 000 mots de la langue française les plus consultés sur le dictionnaire en ligne.

Finalement, le mouvement Wikimédia apparaît donc comme un allié intéressant dans le cadre d’une mission de diffusion de la connaissance, ou pour l’amélioration d’un enseignement au départ de plate-formes libre et gratuites. Quant à la cosmographie du mouvement, sa présentation permet certainement de mieux comprendre comment des acteurs individuels ou collectifs, privés ou publics, commerciaux ou sans but lucratif, institutionnels ou non, peuvent se rassembler autour de cet objectif commun, qu’est le libre partage de la connaissance.

En terminant la lecture de cette deuxième partie d’ouvrage, on découvre donc, qu’un mouvement social peut être complexe au niveau de son organisation, tout en restant sain par le fait que chacun est libre d’y choisir sa place. D’un côté, les principaux acteurs du mouvement, que sont les contributeurs et contributrices bénévoles actifs au sein des projets, sont effectivement libres d’entamer ou de mettre fin à leurs activités quand ils le veulent. Alors que de l’autre côté, la Fondation et les organismes affiliés établissent des partenariats très variés et dans un vaste champ de coopération planétaire, sans pour autant établir de réels liens de subordination entre les parties, grâce aux précautions prises pour éviter l’apparition de toute pression financière ou politique, qui pourraient apparaitre en liens avec d’organismes commerciaux ou étatiques.

  1. Wikipédia, « Wikimédien en résidence ».
  2. Christine Siméone, « Les Archives Nationales de France espèrent accueillir un wikipédien en résidence », sur France inter, .
  3. La rédaction, « KDE et la fondation Wikipedia s'associent », sur Next INpact, .
  4. Benoit Soubeyran, « Les liens entre OSM et les projets Wikimédia », dans WikiConvention francophone 2017, WikiFranca and Wikimedia France and Wikimedia CH, 2017-10 [lien DOI] .
  5. Wikimedia Strategic Planning, « Wikimedia stakeholders ».
  6. Guillaume de Morant, « Les archives de l'Hérault signent un partenariat avec Wikimedia », sur La revue française de généalogie, .
  7. Méta-Wiki, « Noongarpedia ».
  8. Marinos Ioannides, Digital heritage:progress in cultural heritage :documentation, preservation, and protection :7th international conference, EuroMed 2018, Nicosia, Cyprus, October 29 – November 3, 2018 :proceedings--Part II, Cham Springer, (OCLC 1082196465), p. 34.
  9. HCDH, « Nouveau partenariat entre le HCDH et la fondation Wikimédia ».
  10. Donald G. McNeil Jr., « Wikipedia and W.H.O. Join to Combat Covid-19 Misinformation », sur The New York Times, .
  11. Wiki Education, « About Us ».
  12. Méta-Wiki, « CivilServant's Wikimedia studies ».
  13. Vincent Pastorelli, « Interview de Sandrine, professeure-documentaliste dans le cadre du projet Wikipédia en classe à l'occasion du congrès national des professeurs·e·s-documentalistes de l'éducation nationale », sur Wikimedia Commons, .
  14. Wikimedia Outreach, « Éducation ».
  15. Wikiversité, « Catégorie:PPS et PAP ».
  16. Wikiversité, « Projet:Accueil/Projets interwiki ».
  17. Wikiversité, « Créer une formation au format MOOC ».
  18. Wikiversité, « Projet:Valoriser ses connaissances avec Wikipédia ».
  19. Wikilivres, « Catégorie:Travaux personnels encadrés ».
  20. La rédaction, « Yahoo fournit des capacités serveurs à Wikipedia », sur ZDNet.fr, .
  21. Vincent, « Yahoo! s'associe à Wikipédia », sur Clubic, .
  22. La rédaction, « Wikipedia bientôt hébergée chez Google? », sur ZDNet, .
  23. Méta-Wiki, « Wikimedia Foundation Report, February 2010 ».
  24. Anouch Seydtaghia, « Deux millions pour Wikipedia, le don de Google qui intrigue », Le Temps, .
  25. Victor Vincent, « Amazon et Apple accusés d'exploitation par Wikipédia, l'encyclopédie les encourage à participer financièrement », sur Développez, .
  26. Méta-Wiki, « Project Tiger Editathon 2018 ».
  27. 27,0 et 27,1 Lisa Seitz-Gruwell, « Google and Wikimedia Foundation partner to increase knowledge equity online », sur Wikimedia Foundation News, .
  28. Joon Ian Wong, « Reddit is going nuts over Wikipedia’s spending, but it’s doing far better than its competitors », sur QZ, Quartz, .
  29. Emmanuel Paquette, « "L'argent est là" : plongée dans les comptes de la très riche Fondation Wikimedia », sur L'Express, .
  30. Wikimedia Foundation Wiki, « Press releases/Orange and Wikimedia announce partnership April 2009/fr ».
  31. Guillaume Champeau, « Contribuer à Wikipédia c'est aussi enrichir Orange », sur Numerama, .
  32. Johann Breton, « Wikimedia Foundation se met au bitcoin », sur Les Numériques, .
  33. PediaPress, « Catalog ».
  34. Blandine Le Cain, « Le projet fou de Wikipédia sur papier », sur Le Figaro, .
  35. Collectif, Le dico le dictionnaire de la richesse et de la diversité de la langue française d'aujourd'hui: adapté du Wiktionnaire, le dictionnaire libre., Paris, Garnier, , 1680 p. (ISBN 978-2-35184-266-9, OCLC 1195744199).